L’Évangile de Matthieu
Aimer ses ennemis – Matthieu 5:43-48
Le chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu s’ouvre sur le discours sur la montagne, les béatitudes, que nous avons vu lors de l’étude 21 et dans la continuité de son discours, Jésus-Christ va opérer une réforme de la loi morale établie par l’homme pour en ressortir uniquement la Vérité, c’est-à-dire pour l’épurer de la tradition. Petit à petit, Jésus-Christ va détruire le venin du mensonge de la loi morale humaine par la Vérité de Dieu, et cela va concerner toutes les instances de nos vies.
Dans cette parole qui clôture le chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu, mais non son discours, Jésus-Christ remet Dieu au centre de la relation à autrui. C’est dans l’amour de Dieu que l’on peut aimer son prochain. C’est dans l’amour de Dieu que l’on peut aimer son ennemi. Et Jésus-Christ demande à ses disciples d’aimer celui qui est hostile, et de prier pour lui.
Rappelons que Matthieu adresse son évangile à des croyants qui connaissent les coutumes juives, et que son but est de montrer que Jésus est le Christ, le Messie annoncé par les prophéties. Il est certainement l’évangéliste qui fait le mieux comprendre que le Nouveau Testament est éclairé par l’Ancien Testament, lequel ne se comprend qu’à la lumière du Nouveau Testament.
⁴³Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi.
⁴⁴Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent,
⁴⁵afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes.
⁴⁶Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ?
⁴⁷Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ?
⁴⁸Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait.
Matthieu 5:43-48, Traduction Louis Segond
Nous voici arrivés à la fin du chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu, mais non à la fin du discours de Jésus-Christ sur la montagne, discours qui se poursuit au chapitre suivant.
Dans les versets qui intéressent notre étude, Jésus-Christ demande d’aimer ses ennemis, de bénir ceux qui nous maudissent, et de prier pour ceux qui nous font du mal. En effet, il est facile de prier pour ceux que l’on aime. Mais prier pour nos ennemis demande un effort, et c’est cet effort que Dieu nous demande de faire pour être parfait.
Dieu est parfait dans l’Amour. Son Amour est parfait, puisqu’Il a béni toute la Création et toutes ses créatures. Son amour parfait transcende tout. Il est appelé agape en grec, c’est l’amour inconditionnel, au-dessous de tout autre amour, c’est-à-dire l’amour entre une femme et un homme, l’amour que l’on porte à ses enfants, l’amour-amitié, l’amour des proches… Dans chacun de ces amours, on trouve une pointe d’agape.
Rappelons-nous : dans son discours, Jésus-Christ revient sur plusieurs aspects de la relation à autrui qui font défaut aux pharisiens. Et dans cette parole, Il remet Dieu au centre de cette relation à autrui. Sans Dieu, aucun amour n’est possible. La haine est l’absence de Dieu, comme les ténèbres sont l’absence de Lumière. Le remède à la haine est donc l’amour, comme l’obscurité est détruite par la lumière. Cependant, et c’est cela l’enseignement de Jésus-Christ, on ne peut aimer que parce que Dieu nous aime parfaitement, et c’est dans cet Amour parfait de Dieu que l’on va puiser la force d’aimer son prochain et son ennemi. Voyons tout cela en détail.
Encore une fois, Jésus-Christ fait référence à la loi mosaïque, et notamment au Lévitique 18:19 : « Tu ne te vengeras pas et tu ne garderas pas de rancune contre les enfants de ton peuple et tu aimeras ton prochain comme toi-même : je suis l’Éternel. »
Dans ce texte, il est question d’aimer son prochain, et pour les pharisiens, le prochain était celui qui était comme lui, celui qui était vu comme un homme de Dieu, qui appartenait au peuple de Dieu. Tous les autres peuples étaient vus comme des ennemis qu’il fallait haïr. C’était l’enseignement des pharisiens : ils apprenaient aux juifs à haïr l’étranger. Et les pharisiens n’hésitaient pas à appliquer ce principe humain. Eux qui se considéraient comme « une race » au-dessus de toutes les autres races, un peuple élu, ils haïssaient tous les autres peuples ou civilisations.
Or, à aucun moment Dieu n’avait prescrit de haïr ses ennemis. En effet, on peut lire dans la Parole de Dieu tout le contraire.
En Exode 23:4-6, nous pouvons lire : « Lorsque tu rencontreras le bœuf de ton adversaire ou son âne égaré, tu ne manqueras pas de le lui ramener. Lorsque tu verras l’âne de celui qui te hait abattu sous sa charge, tu te garderas bien de l’abandonner, tu le déchargeras avec lui. Tu ne feras point fléchir le droit de l’indigent dans son procès ».
En Job 31:29-30, nous pouvons lire : « Si je me suis réjoui de la ruine de celui qui me haïssait, si j’ai tressailli de joie quand le malheur l’atteignait ! Mais non, je n’ai pas permis à ma langue de pécher, de réclamer sa vie par une imprécation. »
En Proverbes 24:17, nous lisons : « Quand ton ennemi tombe, ne t’en réjouis pas ; quand il trébuche, que ton cœur ne soit pas dans l’allégresse, de peur que l’Éternel ne le voie, que cela ne lui déplaise. »
En Proverbes 25:21, nous lisons : « Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire ».
Ainsi, haïr son ennemi n’est pas un commandement de Dieu, mais un commandement pharisaïque.
Et Jésus-Christ, comme Il accomplit la Loi de Dieu, va remettre dans son bon ordre ce qui a été déformé par la pensée humaine. Et Il va viser particulièrement les pharisiens, puisque ce sont eux qui disaient de haïr les ennemis.
Ainsi, par l’utilisation de ce mot, on comprend que les pharisiens avaient l’habitude de rejeter tous ceux qu’ils jugeaient détestables, hostiles, tous ceux qui s’opposaient à eux. Et les pharisiens haïssaient même les pauvres, car ils craignaient la pauvreté, comme si on pouvait l’attraper au contact d’un pauvre. Ils répugnaient les pauvres.
Il nous faut reprendre le verset 44 en grec, car dans la traduction française, beaucoup de mots ont été ajoutés, comme le verbe maudire qui n’apparaît pas dans le texte originel, afin de bien comprendre ce verset.
Il s’agit de la conjugaison du verbe ἀγαπάω – agapao, c’est-à-dire l’amour inconditionnel.
Les Grecs avaient établi des degrés dans l’amour.
- « Eros » ou l’amour érotique. Cet amour se rapproche de la passion et du désir sexuel.
- « Philia » ou l’Amour affectueux. C’est l’amitié, c’est-à-dire l’amour avec son semblable sans notion de sexe ou d’attirance physique.
- « Storge » ou l’Amour familial, amour principalement lié à la parenté et à la familiarité, une affection à un proche (enfants, parents, cousins, oncles, tantes…) sans aucune notion d’attirance physique ou sexuelle.
- « Ludus » ou l’Amour ludique. Cet amour se rapproche de l’amour eros, c’est l’amour coquin et joueur des débuts, le stade de la découverte de l’autre, les premiers moments de la rencontre, lorsque le cœur bat la chamade, lorsque l’on est envahi par l’euphorie, les moments des jeux de séduction.
- « Mania » ou l’amour obsessionnel. Il s’agit d’un type d’amour qui conduit l’un des partenaires à la folie et à l’obsession. C’est cet amour qui conduit à la jalousie excessive, et à la possessivité. On veut posséder l’autre jusqu’à se fondre dans l’autre.
- « Pragma » ou l’Amour éternel/durable. C’est l’amour qui s’est établi dans le temps, l’amour qui va au-delà du physique, dans lequel une harmonie particulière s’est formée au sein du couple, une complicité particulière qui rend le couple indestructible et capable de surmonter toutes les épreuves de la vie. Ce type d’amour pragmatique peut aussi se trouver dans l’amitié, lorsqu’une amitié devient forte au fil du temps.
- « Philautia » ou l’amour de soi/amour propre. La philosophie grecque enseignait que l’on ne peut aimer l’autre si l’on ne s’aime pas soi-même. Et la Parole de Dieu nous dit d’aimer son prochain comme soi-même. Donc, pour aimer son prochain, il faut s’aimer. Cet amour permet de prendre soin de soi, d’avoir confiance en ses capacités. À ne pas confondre avec le narcissisme, il s’agit ici d’avoir une opinion juste de soi même, et de prendre soin de soi.
- « Agapè » ou l’amour désintéressé. C’est le type d’amour le plus élevé, le plus pur, c’est l’amour inconditionnel. Cet amour n’a rien à voir avec le désir sexuel, il est un amour spirituel, une compassion sans limites pour l’autre, une profonde empathie.
Seul Dieu est capable d’aimer d’une façon « apapè » et parce qu’Il nous aime de cet amour inconditionnel, Il nous donne la force d’aimer de la même façon son ennemi, de cet amour divin qui accepte tout, qui pardonne tout, qui a compassion, et qui veut le plus grand bien.
Et justement, Jésus utilise ce verbe « agapè » pour dire qu’il faut aimer inconditionnellement ses ennemis, de cet amour accessible seulement à travers Dieu. Ici, le sujet n’est pas de faire du sentiment ou de l’émotion vis-à-vis de celui qui est notre ennemi, de celui qui veut nous faire du mal, ou que l’on considère différent de nous, celui qui nous hostile, celui qui s’oppose à nous.
Ce verbe ἀγαπάω – agapao trouve son pendant dans l’Ancien Testament, au Deutéronome 6:5 : « Tu aimeras l’Eternel ton Dieu de tout ton cœur… »
En hébreu, le verbe qui a été traduit par aimer dans ce verset c’est אָהֵב – ‘ahab, verbe qui désigne cet amour inconditionnel, et qui fait comprendre que cet amour inconditionnel est avant tout vouloir le bien. Et cela ne peut se faire qu’avec Dieu. C’est dans la relation avec Dieu que l’on trouve la force de vouloir le bien de nos ennemis. Et vouloir leur bien, c’est leur souhaiter rencontrer Dieu, donc qu’ils deviennent enfants de Dieu, et bénir c’est souhaiter que l’autre devienne enfant de Dieu.
Ainsi, lorsque Jésus-Christ parle d’aimer son prochain, il nous dit d’avoir un désir que cet ennemi trouve Dieu, et devienne enfant de Dieu.
En réalité, en faisant ainsi, on demande à Dieu de détruire les conséquences des pensées mauvaises de l’ennemi, leur impact sur nous, et aussi le mal qui est à l’intérieur de l’ennemi et qui le pousse à agir ainsi.
Jésus-Christ nous invite à poser un regard d’amour sur l’ennemi, de le voir comme quelqu’un qui a besoin de la grâce de Dieu. Et c’est ainsi que l’on détruit le mal. On ne demande pas à Dieu de renvoyer le mal à celui qui nous a fait du mal. Cela s’appelle maudire ou poser une malédiction. Non. On demande à Dieu de guérir et délivrer l’ennemi de son mal. Cela s’appelle le bénir.
Et l’ennemi en question, c’est ἐχθρός – echthros mot que nous avons vu plus haut, celui qui est haï, celui qui est odieux ou détestable, celui qui est hostile, celui qui s’oppose.
Et Jésus-Christ nous demande de prier pour celui qui est odieux ou détestable envers nous, celui qui nous est hostile, celui qui s’oppose à nous.
Il s’agit du verbe προσεύχομαι – proseuchomai, littéralement prier, offrir des prières.
Ce verbe est composé de la préposition πρός – pros qui signifie à l’avantage de, à, près de, en considération de. Et du verbe εὔχομαι – euchomai, qui signifie prier Dieu, souhaiter, désirer, demander.
Ainsi, il faut désirer le bien à nos ennemis, leur souhaiter le bien, et donc, prier pour qu’ils trouvent Dieu.
Il faut prier pour ceux qui nous persécutent.
Il s’agit du verbe διώκω – dioko qui signifie :
→ faire courir ou faire s’enfuir, amener à la fuite. Ainsi, il faut prier pour celui qui fait peur et qui nous amène à la fuite, celui qui nous fait peur parce que trop violent, parce qu’il n’a aucune compassion par exemple.
→ courir rapidement pour attraper une personne ou une chose. Ainsi, il faut prier pour celui qui nous amène à poursuivre de faux buts, qui nous amène à croire de fausses doctrines, avec une idée hostile, celle de nous voir nous perdre.
→ harceler, troubler, molester, persécuter. Ainsi, il faut prier pour celui qui nous harcèle, qui nous trouble, qui nous persécute.
→ courir après, suivre, sans idée hostile. Ainsi il faut prier pour celui qui nous amène à poursuivre un faux but, mais sans une idée hostile, celui qui est convaincu de bien faire et qui pense bien faire, dont les intentions sont bonnes, mais qui diffuse le mensonge qui peut nous perdre.
→ sens métaphorique : chercher sincèrement, vouloir fermement acquérir. Il faut prier pour ceux qui cherchent sincèrement Dieu, qui veulent s’approcher de Dieu, qui crient vers Dieu.
Pourquoi prier pour ceux qui nous persécutent ? Parce que Dieu fait lever le soleil sur eux aussi, et Il fait pleuvoir sur eux aussi. Pourquoi Dieu fait-Il cela ? Pour le comprendre, il nous faut comprendre la volonté de Dieu. Quelle est la volonté de Dieu ? Regardons cette image pour le comprendre.
Et ainsi, celui qui suit la volonté de Dieu, prie pour que le méchant, le mauvais ou celui qui s’oppose à nous puisse se tourner vers Jésus-Christ et trouver la foi.
Et effectivement, quels mérites aurions-nous à prier uniquement pour ceux que l’on aime ? Cela, tout le monde le fait, même le mauvais ou le méchant. C’est facile. Il est facile d’aimer ceux qui nous aiment, d’aimer nos amis, parce que justement, on s’entend bien avec eux, d’aimer nos enfants… Tout le monde peut le faire cela.
Or, Dieu nous demande d’aimer comme Lui nous aime, avec un cœur miséricordieux, avec un amour inconditionnel et désintéressé.
Pourquoi Jésus-Christ prend-Il l’exemple des publicains qui aiment ceux qui les aiment ? Parce que les pharisiens méprisaient les publicains, ils les voyaient comme des traîtres, des ennemis qui s’étaient donnés à l’envahisseur romain. Et l’on sait que Jésus a appelé Matthieu à le suivre, Matthieu qui était un publicain. Ainsi, Jésus-Christ fait comprendre aux pharisiens qu’ils ne doivent pas haïr, mais aimer ceux qui se sont égarés, ceux qui trahissent, ceux que l’on voit comme des ennemis.
Et les païens ? Même eux savent se saluer entre eux, alors qu’ils n’ont pas Dieu. Si on salue uniquement ceux de notre groupe, ceux qui nous ressemblent, ceux de notre assemblée, quel mérite en retirerons-nous ?
Dieu ne demande pas des gens extraordinaires pour accomplir des choses extraordinaires. Il demande des personnes ordinaires, pour accomplir des choses ordinaires, mais d’une manière extraordinaire. La prière est quelque chose d’ordinaire pour de nombreux croyants. Elle devient un acte extraordinaire lorsqu’elle est dirigée vers l’ennemi, l’injuste, vers celui qui nous a fait du mal.
De nombreux croyants n’ont pas compris cela. Au lieu de prier pour que l’ennemi trouve Dieu, ils prient Dieu et demandent la punition de l’ennemi. Or, non, Jésus-Christ nous demande de prier afin que l’ennemi puisse Le trouver. Et c’est comme cela que l’on fait la volonté du Père. Et comme Dieu est parfait, en faisant sa volonté, Dieu nous rend parfaits, c’est-à-dire juste.
Maintenant, dans vos prières, ne priez plus pour renvoyer le mal que vous avez subi à son auteur. Priez pour que celui qui vous a fait du mal puisse trouver Dieu, et s’en repentir, et trouver la paix. C’est la seule manière de détruire le mal qui a été fait, non pas de détruire l’auteur du mal, mais de détruire la pensée de ce mal engendrée dans le mental de l’auteur par son ego.
Alors, chers amis, bénissez vos ennemis, priez pour qu’ils deviennent eux aussi des enfants de Dieu.
Soyez bénis,
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