L’Évangile de Matthieu
La charité hypocrite – Matthieu 6:1-4
Le chapitre 6 est le chapitre de la prière modèle, du Notre Père. Dans ce chapitre, Jésus-Christ va revenir sur des notions essentielles qui permettent de comprendre la véritable prière, celle qui se fait dans l’intimité de sa chambre, celle qui ne répète pas les mots, celle qui ne fait pas de bruit, celle où l’on entre en dialogue véritable avec le Père. On connaît tous le Notre Père. Beaucoup le récitent par automatisme sans comprendre sa portée spirituelle. Il est temps non plus de réciter le Notre Père, mais de déclamer cette prière avec le cœur dans l’attitude et l’état d’esprit qui plaît à Dieu.
Ce début du chapitre 6 est une introduction à un passage très connu de l’Évangile de Matthieu, la prière exemplaire, le Notre Père. Les quatre premiers versets qui concernent notre étude, Jésus-Christ revient sur la notion de la charité et pointe du doigt la charité hypocrite et mensongère des religieux.
Rappelons que Matthieu adresse son évangile à des croyants qui connaissent les coutumes juives, et que son but est de montrer que Jésus est le Christ, le Messie annoncé par les prophéties. Il est certainement l’évangéliste qui fait le mieux comprendre que le Nouveau Testament est éclairé par l’Ancien Testament, lequel ne se comprend qu’à la lumière du Nouveau Testament.
¹Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour en être vus ; autrement, vous n’aurez point de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. ²Lors donc que tu fais l’aumône, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues, afin d’être glorifiés par les hommes. Je vous le dis en vérité, ils reçoivent leur récompense. ³Mais quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, ⁴afin que ton aumône se fasse en secret ; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.
Matthieu 6:1-4, traduction Louis Segond
Cette Parole de Jésus-Christ est la suite directe de la dernière parole qu’Il a prononcé à la fin du chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu. L’homme a découpé l’écrit de Matthieu aléatoirement en plusieurs chapitres, mais il s’agit en fait d’un récit qui devrait se lire dans sa continuité.
Quelle était la dernière Parole de Jésus-Christ au chapitre précédent ? Dans le passage qui précède, Jésus-Christ enseigne qu’il faut aimer son ennemi, bénir ceux qui nous maudissent et prier ceux qui nous maltraitent. Et Il termine son discours par cette Parole : « Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait » (Matthieu 5 : 48).
Ainsi, pour être parfait, il faut aimer son ennemi et prier pour sa conversion. Et pour être parfait, il faut faire les choses pour Dieu, avec le cœur, avec la pensée tournée vers l’Amour, et non pour être vu des hommes. Pour être parfait, il faut donc aussi ne pas être dans le paraître, car le paraître est la négation de l’être (pas être). Celui qui cherche le paraître se met en scène, il joue un rôle pour être vu des autres, il n’est pas lui-même, il est un acteur de sa propre vie.


Dans notre texte, cette particule primaire montre l’idée d’une continuation. Nous sommes bien dans la suite de ce qui a été dit précédemment, dans la suite du discours de Jésus-Christ.

Le mode actif montre que Jésus-Christ nous demande d’accomplir l’action de ce verbe, c’est à nous de nous garder.
Le verbe προσέχω – prosecho signifie apporter, fixer son esprit, prendre garde à soi-même, faire attention, se mettre en garde, prêter attention, s’appliquer à, s’attacher à, consacrer sa pensée et son effort.

Dans le texte, ce verbe est précédé d’une négation, donc il signifie ne pas faire… quelque chose.
Que faut-il ne pas faire ? Accomplir sa justice devant les hommes, instituer sa justice devant les hommes, exécuter sa justice devant les hommes, produire sa justice devant les hommes…
Ainsi, Jésus-Christ demande que l’on s’abstienne de faire sa justice, dans le sens ποιέω – poieo devant les hommes pour être vus. Il nous demande de nous abstenir de faire quelque chose devant les autres dans le but d’être vus par les autres. On est bien ici dans le paraître, dans le fait de chercher à être vu de l’autre, à faire quelque chose pour être vu. L’intention est donc bien d’être vu, de faire quelque chose pour être vu.

Le mot δικαιοσύνη – dikaiosune qui signifie justice, ou sentiment de justice ou encore pratique de la justice. Au sens large, ce mot peut désigner l’état de celui qui met en place des choses pour être dans la condition acceptable par Dieu, c’est-à-dire qui met en place une doctrine qui va délimiter le chemin pour atteindre un état approuvé par Dieu.
Littéralement, il s’agit de votre justice, celle que l’homme met en place, la doctrine de l’homme.
Ainsi, Jésus-Christ demande que l’on s’abstienne à instituer sa propre doctrine, à exécuter sa propre doctrine, sa propre loi, à produire sa propre doctrine… aux yeux de tous, pour se montrer. Et là, cela remet toute la religion en question, les processions, les messes, les cérémonies… Toutes ces choses instituées par l’homme au nom de leur doctrine ne doivent pas être faites aux yeux des autres, pour être vues des autres. Chacun doit vivre sa foi dans l’intimité, et non se montrer, prier devant tout le monde, pour se faire voir, ou mettre en place une cérémonie, une procession, pour se faire voir, pour en mettre plein la vue, comme on dit.

Donc, Jésus-Christ nous dit qu’il faut s’abstenir de se mettre en scène pour montrer sa doctrine, qu’il faut s’abstenir de théâtraliser ses propres doctrines, ses propres croyances religieuses, de se mettre en scène, par exemple, lors d’une cérémonie ou d’une procession ou même d’une prière de rue. Il ne faut donc pas chercher à se faire voir, chercher à devenir un acteur aux yeux des autres, pour être vus dans la pratique de ses croyances.
Que recherchent ces personnes qui se théâtralisent, qui veulent être regardées, contemplées dans leurs pratiques religieuses ? Leur moment de gloire, tout simplement. Et c’est pour cela, d’ailleurs, que l’on voit dans certaines cérémonies ou certaines processions, des choses qui tapent à l’œil, de grandes statues, des objets en or que l’on brandit, des tenues qui montrent son statut social, ou son rang ecclésiastique… Chacun va rechercher son petit moment de gloire, sa vaine gloire.

Ainsi, quand on accomplit un acte de charité, un acte de compassion, il ne faut pas sonner de la trompette devant soi, littéralement, il ne faut pas chercher à ce que tout le monde nous regarde faire, à attirer l’attention sur nous au moment où on fait preuve de charité envers quelqu’un, au moment où on réalise un acte de compassion.
Ici, nous avons clairement l’image de quelqu’un qui réalise quelque chose de bien, non pas parce que son cœur lui a dicté de la compassion, mais dans le but d’être vus, et d’être loués par les autres pour ce qu’il vient de faire. Et l’on ne peut s’empêcher de penser à tous ceux qui se mettent en scène, qui se filment et postent sur les réseaux sociaux en train de donner l’aumône ou de sauver un animal sur le bord de la route, rien que pour être vus, pour faire des vues, et recevoir des commentaires de louanges. Tous ceux qui attirent l’attention sur eux au moment où ils réalisent un acte charitable sont en réalité des hypocrites, car ils ne font pas cela de bon cœur, mais pour recevoir des louanges. On peut même se dire que s’il n’y avait personne pour voir l’acte charitable, jamais ces hypocrites ne le réaliseront.

Ainsi, l’hypocrite est à la fois le devin, celui qui fait croire qu’il peut deviner l’avenir, le faux prophète, c’est-à-dire celui qui déforme la Parole de Dieu pour faire parler Dieu comme selon sa croyance ou sa doctrine, l’acteur qui se met en scène et qui joue un personnage, et le fourbe, celui qui cache ses intentions, qui agit dans l’ombre.
La racine commune de ces trois sens c’est le mensonge.
Et ces hypocrites, ces hommes de mensonge, font l’aumône, réalisent des actes de charité en sonnant de la trompette devant eux, pour se faire voir, pour être admirés des autres. Ils veulent être admirés, et donc, se mettent en scène. Ils jouent un rôle devant la foule, mais ce n’est qu’une façade, car leur cœur est de pierre. En général, celui qui fait quelque chose par pure bonté de cœur ne cherche ni le retour ni la louange.

Où sont-ils lorsqu’ils accomplissent cela ? Dans les synagogues et dans les rues.
La synagogue, en grec συναγωγή – sunagogay, désignait, à l’origine un lieu de rassemblement, un lieu de réunion. Le verbe grec qui découle de ce mot, le verbe συνάγω – sunago, signifie recueillir ensemble, rassembler, amener ensemble, réunir par une convocation, se rassembler.
Ainsi, on comprend que les hypocrites agissent dans les lieux de rassemblement, là où il y a du monde, pour être vus, regardés, admirés, se mettant en scène lorsqu’ils font acte de charité. Et ils agissent ainsi dans les lieux de rassemblement et aussi dans les rues, cela est précisé, afin de bien montrer que chez eux, à l’abri des regards, ils sont en réalité totalement différents de l’image qu’ils montrent. Chez eux, ils enlèvent leur costume de scène.
Et ces gens, ces hypocrites qui se mettent en scène pour obtenir de la gloire, ces hommes de mensonge qui théâtralisent leurs faux actes de charité afin de montrer aux yeux du monde une fausse image d’eux-mêmes, ces hommes ont déjà leur récompense de leurs actes, ont déjà leur salaire de leurs mensonges, car certes, le petit moment de gloire qu’ils obtiennent, va nourrir leur ego, et là, c’est l’escalade, la fuite loin de Dieu, et donc, le malheur, le mal qui arrive à l’heure, car ils ne sont plus sous la protection divine. Et l’ego, lui, plus il est nourri, plus il grandit. Et comme il est notre ennemi, l’hypocrite, en réalité, nourrit son propre ennemi.

Nous avions, lors de l’étude numéro 30 de l’Évangile de Matthieu, lorsque nous avions parlé de l’œil droit et de la main droite, évoqué ce que signifie symboliquement la droite dans la Parole de Dieu.
Que l’on se rappelle : la droite, dans la Parole de Dieu, désigne la place d’honneur. La gauche désigne symboliquement les armes défensives, comme le bouclier par exemple, qui est toujours tenu par la main gauche.
Cette expression signifie tout simplement que ce que l’on fait comme acte de charité, doit se faire par pur bonté de cœur, non pour se défendre, c’est-à-dire pour faire un acte de charité afin de trouver grâce auprès de Dieu ou pour obtenir une récompense, ni faire un acte de charité pour obtenir de la gloire. Il s’agit là d’un acte totalement désintéressé, que l’on fait avec le cœur, sans chercher une récompense, sans chercher à se faire bien voir, ni de Dieu ni par le monde. Finalement, ce que l’on fait doit venir de l’esprit, c’est-à-dire qu’il doit être l’expression de l’Amour inconditionnel de Dieu.

Et comme le Père voit ce que l’on fait, et Il voit l’acte désintéressé qui est le reflet de son Amour inconditionnel, alors, Il nous le rendra par sa grâce.
Et c’est pourquoi en Matthieu 5:16, Jésus-Christ a dit : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, afin qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Car finalement, celui qui agit par pure bonté de cœur agit avec l’Esprit de Dieu sur lui, et donc, la Lumière divine qui l’éclaire. Et celui qui reçoit l’acte charitable de pur amour va voir cette lumière de Dieu, et à son tour, parce qu’il a vu la lumière, il pourra changer son état d’esprit en continuant à suivre cette lumière.
Ainsi, contrairement à ce qui est enseigné par la théologie chrétienne, il n’y a aucune contradiction entre ces deux textes. Bien au contraire. Celui qui agit avec l’Esprit de Dieu, donc qui est porté par l’Amour inconditionnel de Dieu, agit avec ce reflet de Dieu sur lui. Il n’agit pas pour obtenir de la gloire des hommes, ou pour se faire bien voir. Il agit par pure bonté. Et celui qui reçoit ce don, cet acte charitable, verra l’Esprit de Dieu, et donc, va glorifier Dieu, car il va voir dans l’acte de charité Dieu, et non l’homme qui a fait acte de miséricorde.
Dans la suite de nos études, nous verrons le conseil de Dieu qui concerne la prière, le comportement que l’on doit adopter pour prier.
Que Dieu vous garde et vous bénisse.

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