L’Évangile de Matthieu
La loi du Talion – Matthieu 5:38-42
Le chapitre 5 de l’Évangile de Matthieu s’ouvre sur le discours sur la montagne, les béatitudes, que nous avons vu lors de l’étude 21 et dans la continuité de son discours, Jésus-Christ va opérer une réforme de la loi morale établie par l’homme pour en ressortir uniquement la Vérité, c’est-à-dire pour l’épurer de la tradition. Petit à petit, Jésus-Christ va détruire le venin du mensonge de la loi morale humaine par la Vérité de Dieu, et cela va concerner toutes les instances de nos vies.
Dans notre étude qui concerne les versets 38 et 42 du chapitre cinq de l’Évangile de Matthieu, Jésus-Christ revient sur la loi du Talion pour en faire une loi d’amour, une loi de paix. Fini de rendre le mal à celui qui nous fait du mal. Au lieu de cela, Jésus-Christ demande de rendre le bien à celui qui nous fait du mal et de ne pas chercher à convaincre ou à discuter avec le mauvais.
Rappelons que Matthieu adresse son évangile à des croyants qui connaissent les coutumes juives, et que son but est de montrer que Jésus est le Christ, le Messie annoncé par les prophéties. Il est certainement l’évangéliste qui fait le mieux comprendre que le Nouveau Testament est éclairé par l’Ancien Testament, lequel ne se comprend qu’à la lumière du Nouveau Testament.
³⁸Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent.
³⁹Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre.
⁴⁰Si quelqu’un veut plaider contre toi, et prendre ta tunique, laisse-lui encore ton manteau.
⁴¹Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui.
⁴²Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi.
Matthieu 5:38-42, Traduction Louis Segond
La loi du talion, œil pour œil, dent pour dent, est une règle de droit, un principe juridique qui exige que celui qui est reconnu coupable d’une infraction doive subir une punition qui correspond à l’infraction commise.
Ainsi, quelqu’un qui frappe quelqu’un doit être frappé à son tour, quelqu’un qui tue quelqu’un doit être puni de mort.
Cette loi du talion puise son origine dans le Code de Hammurabi, un texte juridique babylonien daté d’environ 1750 av. J.-C. Le but était d’éviter que les victimes ne se fassent justice elles-mêmes. Dieu avait permis aux juifs d’adopter cette loi, afin qu’ils ne se vengent pas eux-mêmes de l’acte commis, car la vengeance appartient au Seigneur. Ainsi, tout crime a été codifié, et tout crime méritait une punition à la hauteur du crime commis. Mais c’était à la justice humaine, au tribunal humain, de rendre la sentence, et non à la victime de se faire justice.
Jésus-Christ va renverser la loi du talion, en lui apposant la loi d’amour. On ne se venge pas, on ne cherche plus à faire le mal à celui qui nous a fait mal, on ne cherche plus à ce que le coupable soit puni par la loi humaine, on laisse Dieu s’en charger, et l’on prie pour que le coupable se repente de son acte.
Cette loi du talion, encore à l’usage de nos jours, a permis l’établissement de la peine de mort. Or, la Parole de Dieu est très claire, on ne doit pas décider de la mort de quelqu’un, même du meurtrier, même du psychopathe. Et l’on ne doit encore moins chercher à se venger, ou chercher à se faire justice. Voyons tout cela en détail.

La loi du Talion, œil pour œil, dent pour dent, on la retrouve au Deutéronome 19:21 : « Tu ne jetteras aucun regard de pitié : œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied » et au Lévitique 24:19-21 : « Si quelqu’un blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent ; il lui sera fait la même blessure qu’il a faite à son prochain. Celui qui tuera un animal le remplacera, mais celui qui tuera un homme sera puni de mort. »
Ainsi, on retrouve la loi du Talion dans la Loi mosaïque. Et pourtant, dans cette même loi mosaïque, on retrouve les 10 commandements, dont le fameux « Tu ne tueras point ». Et là, Dieu semble se contredire. Dieu peut-Il se contredire ? Non. Donc, ce que l’on prend pour une contradiction n’en est pas une.
En réalité, cette loi du talion a permis de poser un cadre juridique et de faire en sorte que les victimes ne se vengent pas d’elles-mêmes, mais s’en remettent à la justice humaine pour obtenir réparation.
Or, et encore une fois, l’homme n’a pas compris que l’enseignement de Dieu est spirituel, et il est resté coincé au niveau terrestre.
Quand Caïn a tué Abel, Dieu a cherché à provoquer le repentir de Caïn. Dieu attendait que Caïn se repente du mal commis. Or, Caïn n’a pas voulu reconnaître sa faute, et il est parti. Mais Dieu a continué à veiller sur Caïn, lui laissant toujours la porte du repentir ouverte. Et Dieu a réparé le mal commis par Caïn en donnant à Eve un troisième fils, Seth.
Il faut bien comprendre que cette loi du talion devait permettre d’éduquer les israélites, petit à petit, à la loi d’amour. Avant, les israélites se vengeaient eux-mêmes du mal commis. Par la loi du talion, ils vont demander vengeance à la justice de l’homme. Et petit à petit, Dieu les amènera à la loi d’amour :
En effet, on peut lire au Deutéronome 32:35 : « À moi la vengeance et la rétribution, quand leur pied chancellera ! Car le jour de leur malheur est proche, et ce qui les attend ne tardera pas. »
Ainsi, Dieu fait comprendre que la vengeance Lui appartient, et qu’il ne faut pas chercher à se venger, même en passant par la justice de l’homme.
Et en 1 Samuel 26:10 : « Et David dit : L’Éternel est vivant ! C’est à l’Éternel seul à le frapper, soit que son jour vienne et qu’il meure, soit qu’il descende sur un champ de bataille et qu’il y périsse. »
C’est à Dieu de s’occuper des méchants, et non à l’homme de se faire justice.
Et aux Proverbes 20:22 nous lisons : « Ne dis pas : Je rendrai le mal. Espère en l’Éternel, et il te délivrera » ainsi qu’aux Proverbes 24:29 nous lisons : « Ne dis pas : Je lui ferai comme il m’a fait, je rendrai à chacun selon ses œuvres ».
Par ces versets de l’Ancien Testament que nous venons de lire, on comprend que Dieu avait déjà aboli la loi du talion et qu’Il demandait aux israélites d’espérer en Lui afin d’être délivré du mal commis par autrui à son encontre. Jésus-Christ accomplit cette Parole et la réexplique au verset 39.

Voici un verset très utilisé par ceux qui veulent faire croire que les chrétiens doivent être des punching-balls, qu’ils doivent se sacrifier.
La loi du talion est une loi qui prend sa racine dans les émotions : on me fait du mal, je réagis instantanément en rendant le mal. On reçoit une injure, on réagit par l’insulte. C’est une loi qui nourrit l’ego et qui fait appel à une réaction de l’affect et non de la raison.
Or, Jésus-Christ demande à ses disciples de ne pas réagir par l’affect, par l’émotion, mais de réagir par la raison, en se posant et en demandant à Dieu son conseil.
Ce verset, très mal compris et très mal interprété, ne signifie pas qu’il faut, lorsque l’on se fait frapper, en redemander. En vérité, il signifie que si un méchant nous offense, il ne faut pas lui résister.

Résister ⇒ il s’agit du verbe ἀνθίστημι – anthistemi que l’on peut traduire par être contre, supporter, résister, s’opposer.
Ce verbe ἀνθίστημι – anthistemi est composé de :
→ la particule ἀντί – anti qui marque une opposition avec l’idée de se mettre en avant.
→Et le verbe ἵστημι – histemi qui signifie placer, poser, faire tenir en place, rendre ferme, établir, fixer des règles et se tenir.
Ainsi, on a l’idée de s’établir, de se tenir contre quelqu’un, et en l’occurrence, contre le méchant, de s’opposer à lui.
Dans le texte grec originel, le verbe ἀνθίστημι – anthistemi est à l’aoriste passif et à l’infinitif. C’est-à-dire que ce que dit ici Jésus-Christ est valable tout le temps, et pour tous les moments de notre vie. Et le fait que le verbe est au passif, cela signifie que c’est avec l’aide de l’Esprit Saint que l’on va puiser la force de ne pas résister au méchant.
Le méchant ⇒ πονηρός – poneros. Il s’agit d’un adjectif qui désigne celui qui est rempli de contrariétés et de privations, celui qui est pressé et harassé par le labeur, celui qui apporte des difficultés et qui cause des peines, celui qui est mauvais par nature, l’aveugle qui marche dans les ténèbres.
On retrouve le πονηρός – poneros dans le Notre Père, le modèle de prière donné par Jésus-Christ, lorsque Jésus dit : « délivre-nous du mauvais » (Matthieu 6:13). Ce mauvais, parfois traduit par malin ou mal, a été assimilé, dans la théologie du christianisme à Satan. Or, ce mauvais n’est pas Satan. Le mauvais dont il est question ici est celui qui est rempli de contrariétés et privations, celui qui est harassé, fatigué, celui qui cause des peines, celui qui est mauvais par nature, celui qui ne voit pas la Lumière. Et comme dans la prière du Notre Père, le πονηρός – poneros est au nominatif, il s’agit de nous, du mal qui est en nous. Il faut comprendre que l’on demande alors à Dieu de nous délivrer de ce qui nous oppresse, nous fatigue, de nos contrariétés, de nos privations, de nos peines, de ce qui nous aveugle, et surtout, de notre nature mauvaise, c’est-à-dire de l’ego.
Ainsi, si l’on revient à notre texte, au verset 39 de notre texte, ce que nous enseigne ici Jésus-Christ, en disant qu’il ne faut pas résister au méchant, c’est de tourner le dos, de ne pas essayer de se justifier ou de convaincre quelqu’un qui est aveugle et mauvais par nature, quelqu’un qui apporte des difficultés. Devant un tel personnage, Jésus-Christ nous enseigne à ne pas chercher le conflit, à ne pas entrer dans une discussion enflammée qui risquerait de nous mettre en colère, à ne pas discuter au risque de sortir de nos gonds et de commettre l’irréparable, mais de tourner les talons, de nous éloigner de ce personnage qui crée des difficultés et à confier ce mauvais à Dieu.
En effet, affronter le mauvais dans le sens πονηρός – poneros pourrait nous faire chuter, car cela pourrait provoquer en nous de la peine, des doutes, de la colère, de la peur… des émotions destructrices.
Et ainsi, lorsque Jésus dit : « Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre », il ne nous dit pas de chercher une autre claque. Il nous dit de ne pas essayer d’avoir le dernier mot avec le mauvais, c’est inutile. Avec quelqu’un qui est dans les ténèbres, qui a un mauvais raisonnement, qui n’est pas dans son bon sens, il est inutile de chercher à lui faire entendre raison ou à la convaincre.
Ainsi, si le mauvais nous fait du mal, inutile de chercher le conflit. On n’en ressortirait pas indemne.
Et cet enseignement de Jésus-Christ est résumé par l’apôtre Paul en Romains 12:18-19 : « S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. Ne vous vengez point vous-mêmes, bien-aimés, mais laissez agir la colère ; car il est écrit : à moi la vengeance, à moi la rétribution, dit le Seigneur. »
Et cela explique le verset suivant.


Ainsi, peu importe la situation, le moment, l’occasion, si quelqu’un plaide contre nous et veut prendre notre tunique, on lui donne aussi son manteau.
Le verbe κρίνω – krino signifie séparer, mettre en morceaux, démonter, juger, être d’opinion, penser, prononcer un jugement, assujettir à la censure, régenter.
Ainsi, si quelqu’un veut se séparer de nous, veut nous mettre en morceaux, nous juge, a une opinion sur nous, pense quelque chose de nous, prononce un jugement contre nous, veut nous assujettir, nous censurer ou nous régenter, on lui laisse, en plus de notre tunique qu’il réclame, notre manteau.

Et ainsi, on comprend que si quelqu’un veut nous dépouiller de quelque chose d’intime, de quelque chose qui est à nous, qu’on lui donne ce qu’il réclame et plus encore, afin de garder la paix. N’ayons pas peur de nous dépouiller des biens de ce monde. Et parfois même, ces personnes sont envoyées par Dieu pour que l’on se dépouille des choses de ce monde qui nous retiennent prisonniers et nous empêchent d’avancer sur le chemin de Dieu.
Jésus-Christ nous demande d’éviter d’aller devant la justice des hommes, qui est profondément injuste, mais de faire confiance à Dieu. Il vaut mieux se délester de choses auxquelles on tenait, plutôt que de risquer un procès qui nous ferait perdre la paix de l’esprit. Beaucoup veulent défendre leur cause en justice, devant la justice des hommes, et un procès est très éprouvant, on n’en ressort jamais indemne. Combien de familles se sont déchirées en justice pour un héritage ? Il vaut mieux abandonner cet héritage que perdre la paix de l’esprit.
Les versets suivants deviennent faciles à comprendre.
Verset 41 : « Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui. »
Si l’on veut vous soumettre à faire quelque chose, faites le au double. Ainsi, le méchant sera déstabilisé, il ne pourra rien dire, et peut-être même, il comprendra sa faute et s’en repentira.
Cette expression d’origine perse était employée pour désigner le fait que les autorités perses pouvaient requestionner des personnes pour porter un message ou un fardeau.
Verset 42 : « Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi. »
Encore une fois, Jésus-Christ revient sur cette notion de se dépouiller de quelque chose qui nous appartient.
Souvent, Dieu nous demande d’abandonner notre ancienne vie, nos mauvais désirs, nos fausses croyances, et cela passe aussi par le fait de ne pas être retenu par les biens terrestres. Ici, il est aussi question du désintéressement et de l’acceptation de donner sans rien demander en retour. Et même d’aider celui qui réclame de l’aide sans attendre un retour de sa part. C’est toujours avec bon cœur que l’on doit aider l’autre ou faire preuve de charité à l’égard de ce qui manque de quelque chose. On ne doit pas faire les choses pour en attendre un retour, comme un retour sur investissement.
Et ainsi, Jésus-Christ termine par renverser la loi du Talion, même pour les bonnes actions. Si l’on fait le bien, il ne faut pas s’attendre à ce que l’on nous rende le bien. Et cela revient à dire que tout ce que l’on fait, on doit le faire avec le cœur droit, sans arrière-pensées.
Soyez bénis.
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